Créer de bons personnages de film (2)
Ce que font les bons auteurs versus les mauvais auteurs.
Chaque semaine, toute sorte de scripts arrivent sur mon bureau : des très bons, des moyens et des très mauvais. La disparité des projets est telle qu’elle me pousse à m’interroger sur les différences existantes entre les très bons scripts et les scripts convenables, c’est-à-dire ceux qui « fonctionnent » mais ne transcendent pas.
J’ai donc fait la liste non exhaustive des différences éminentes entre les bons et les moyens scripts en me basant uniquement sur les personnages. Voici ce que j’ai noté :
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Les très bons auteurs se dissocient de leurs personnages. S’il est recommandé d’utiliser son propre vécu pour créer des personnages, je crois que l’inverse est encore plus vrai. Personnages et auteurs sont deux entités différentes et ne doivent pas être confondus. Un auteur n’est pas ses personnages. Il n’éprouve pas les mêmes émotions, il n’a pas le même vécu et ne partage pas les mêmes traits de caractère. Il serait donc incongru pour n’importe quel auteur de créer des personnages miroirs qui réagissent de manière factice selon ses propres réactions à lui.
Mais savent aussi se mettre à leur place. Le paradoxe est incontestable, j’en conviens mais il est nécessaire afin de densifier les personnages. Ainsi donc, une fois qu’il s’est dissocié de ses créations, l’auteur doit prendre leur place pour voir le monde avec leurs yeux. Car, selon qu’ils se trouvent dans une situation A ou B et selon leur mode de conditionnement, les personnages réagissent différemment. A chaque nouveau pivot, à chaque nouvelle scène, j’encourage donc les auteurs à se rappeler les situations de leurs personnages pour générer des réactions cohérentes et « vraies », évitant ainsi les réactions surfaites et infondées. Quelques questions du type : où en est mon personnage à ce moment précis de l’histoire ? Comment se sent-il ? Que vit-il ? Que veut-il ? Peuvent aider à la mise en situation.
Les bons auteurs utilisent leurs personnages pour incarner le sujet de leurs films. Selon la norme, tout bon film s’accompagne d’un message véhiculé par l’auteur sur un sujet donné. Pour véhiculer au mieux ce(s) message(s), l’auteur peut s’appuyer sur la trajectoire des personnages, trajectoire qu’il peut utiliser comme thèse ou antithèse du message. The Old Man and the Gun est l’exemple le plus récent à me venir en tête. Vous pensez que The Old Man and the Gum est un film de gangster sur les cambriolages ? En surface, oui. Mais en profondeur, c’est un film sur la vie et l’importance de réaliser ses rêves. D’ailleurs, si vous décortiquez le film, vous comprendrez que cette thématique touche tous les personnages.
Les personnages de votre histoire incarnent-ils le sujet de votre film ? Voilà la question à vous poser.
Les très bons auteurs connaissent leurs personnages par coeur. Les très bons auteurs connaissent toute la vie de leurs personnages. Pas juste celle du film. Mais aussi celle qui se passe avant le film, et que l’on appelle la Backstory. Ils peuvent ainsi y puiser des idées, des ressorts pour parfaire leur parcours.
Dernier conseil : les bons auteurs ne restent pas figés. Tout auteur sait que son film peut évoluer, que ses pensées et ses envies peuvent changer. J’encourage donc vos auteurs à prendre du recul sur leurs personnages et à — parfois — se lasser guider par leurs comportements, surtout en cas de blocage.
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